Comment devenir producteur français de films d'action hollywoodiens en quinze ans ?

Quel est le point commun entre Bruce Willis, Nicolas Cage, Kevin Spacey et 50 Cent ? Ils ont tous les quatre tourné dans un film produit par Richard Rionda Del Castro, un Français installé à Hollywood, qui s'est spécialisé dans la production de films d'action, parfois série B, parfois ambitieux. Un secteur qui fait recette. Interview d'un producteur français atypique de son bureau sur Sunset Boulevard.

FrenchFlicks : Vous distribuez de nombreux films qui ne sortent qu'en vidéo aux Etats-Unis mais au cinéma dans d'autres pays du monde. Est-ce le business-model de votre société Hannibal ? 

Richard Rionda Del Castro : On aimerait que nos films sortent partout au cinéma dans le monde entier, mais la compétition est rude. Les coûts de sortie en salle aux Etats-Unis sont exorbitants, environ $10 000 par salle. Les distributeurs n'ont plus de plate-forme de distribution moyenne. Ils sont dans une logique de faire un gros chèque avec une grosse campagne publicitaire pour deux semaines, et, trois semaines plus tard, le film n'est plus en salle. Donc soit on a une sortie limitée sur 10 voire 50 écrans et on fonctionne au bouche-à-oreilles, ou alors on sort dans 2 500 salles. Pour un film d'action, c'est souvent la deuxième solution qui est choisi car vous voulez une audience pop-corn. Donc il faut faire une grosse sortie coûteuse. Ce qui explique que certains de nos films sortent directement en DVD aux Etats-Unis. 

« Bruce Wills prend deux millions pour deux jours de travail, et il apparaît quinze minutes à l'écran. »

Comment convainc-t-on une star comme Bruce Willis de tourner dans un film qui ne sortira pas au cinéma aux Etats-Unis ? 

Les films que je fais sont gagnants-gagnants, ce qui est rare. Quand on tourne un film avec Bruce Willis, comme Braqueurs (Setup), on fait le film pour 10 millions de dollars de budget. Bruce Wills prend deux millions pour deux jours de travail, et il apparaît quinze minutes à l'écran. Nous, ensuite, on le vend 12,13 millions d'euros. Tous les distributeurs du monde entier, ont soudainement l'opportunité d'acheter un film avec Bruce Willis dont ils vont pouvoir utiliser l'image pour leur poster et leur boîte de DVD. Bruce Willis avec un pistolet dans des scènes d'actions, ça une valeur importante pour eux. Les distributeurs gagnent de l'argent, Bruce Willis gagne de l'argent pour deux jours de tournages, et les producteurs gagnent de l'argent. Hannibal est l'une des 20 sociétés spécialisées dans ce genre de film commerciaux avec un gros casting et il y en a de moins en moins.

Comment êtes vous-arrivé à Los Angeles ? 

Je travaillais dans la finance à Bordeaux et j'ai rencontré des Américains et des Français qui travaillaient pour la société de production Ulysse Entertainment et voulaient lever des fonds en Europe et dans le monde pour faire des films en Amérique. Un an après, en juillet 1993, je suis parti aux Etats-Unis avec eux. 

Six ans après vous avez créé votre société Hannibal. Quel était votre but ? 

Ulysse Entertainment n'était pas très bien gérée, et a fini par fermer. Avec mon savoir-faire en management, en finance, et en vente, j'ai commencé à travailler comme consultant pour des ventes de films américains dans des pays aux marchés un peu difficiles. Quand les producteurs américains n'avaient plus rien à me donner à vendre ou à distribuer, je me suis mis à faire les films moi-même. C'est comme ça qu'en 1999 je suis devenu producteur. En 2002, j'ai produit Wanted avec Gérard Depardieu, Renaud et Johnny Hallyday, qui m'a fait décollé en tant que producteur. L'appétit venant en mangeant, je produits aujourd'hui de plus en plus de films, des longs-métrages plus ambitieux. 

Vous êtes un producteur "de terrain", très présent à toutes les étapes du film, y compris sur le tournage. C'est plutôt rare à Hollywood ? 

Beaucoup de producteurs aiment avoir le titre de producteur mais pas les responsabilités. Sans producteur, il n'y a pas de film. Le producteur, c'est le cœur d'un film. C'est quelqu'un qui signe les droits, élabore un scénario, signe les écrivains, un réalisateur, un casting, fait en sorte que le budget du film soit respecté, vend le film, le livre à tous les distributeurs, puis à la fin paie ses financiers et ses banques.

« Je vais tenter un premier projet en France. Ce sera la suite de Dobermann. »

Parlez-nous de Marco Polo, une société de distribution française dont vous êtes le fondateur. 

Pendant quelques années, lorsque j'avais une activité de production soutenue en Amérique, j'ai ouvert une société de production en France, Marco Polo, dans le but de faire des co-productions européennes.  Je me suis vite rendu compte que le système de production en France était plus long, plus laborieux, plus incertain. En fait, je n'ai jamais pu produire un film en France. Mais j'avais vraiment envie de revenir en France à travers mon métier. D'apporter mon savoir-faire américain au bénéfice de Français et de lancer une activité lié au cinéma. J'ai alors converti Marco Polo - une société de production- en société de distribution. Tous les producteurs français, SND TF1, UGC, Pathé venaient me voir, au festival de Berlin, de Cannes, où à Los Angeles pour acheter les droits de mes films pour la France, mais à des montants réduits. Plutôt que d'accepter leur offre, j'ai décidé de distribuer mes propres films américains en France à travers Marco Polo. Au début de l'année, nous avons racheté la société de distribution Aventi avec laquelle nous allons sortir plusieurs films au cinéma et d'autres en vidéo. Parmi les films qui sortiront dans les salles, Charlie Countryman avec Shia Labeouf et l'adaptation 3D du jeu vidéo de Sony, Ratchet and Clank

Vous êtes désormais distributeur en France, est-ce que cela veut dire que vous avez complètement abandonné l'idée d'être producteur dans l'Hexagone ? 

Je vais tenter un premier projet en France. Ce sera la suite de Dobermann, le film culte avec Vincent Cassel et Monica Bellucci. On a acheté les droits pour les films Doberman 2, 3, 4 et pour la série télé. Je vais faire une coproduction européenne avec la France, la Belgique et l'Allemagne. Le film aura un budget de 20 millions d'euros avec, je l'espère, Jason Statham dans le rôle principal et Pierre Morel pour la mise en scène. 

Vous avez récemment fait un gros coup en annonçant que vous produirez le premier film du réalisateur culte John McTiernan (Die Hard, Predator) depuis ses ennuis judiciaires ?

J'ai signé John McTiernan mercredi dernier dans le Wyoming pour un film qui s'appelle Red Squad, une sorte de version moderne des sept mercenaires basée sur une histoire vraie à la frontière entre le Mexique et l'Amérique. Ca va être notre plus gros film de cette année.

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