Rétrospective à New York : Jean Rouch, l'aventurier du cinéma

Film Forum va présenter pendant deux semaines les films - inustement méconnus - de Jean Rouch. Avec ses tournages en décors naturels, caméra à l’épaule, souvent improvisés avec des acteurs non professionnels, le réalisateur était un des précurseurs de la Nouvelle Vague.

D’abord ingénieur des Ponts et Chaussées, engagé dans l’armée de libération qui débarque en Provence, Jean Rouch devient ensuite ethnologue. Maître de recherche au CNRS, figure du musée de l’homme, directeur de la cinémathèque française pendant quatre ans, auteur de plus de 170 films, Jean Rouch a marqué l’histoire du cinéma en France et en Afrique.

Après guerre, il part pour la brousse et descend le Niger en pirogue, caméra en main. Il poursuivra ce voyage toute sa vie. A la frontière de l’ethnologie et du cinéma, de la poésie et de la réalité, Jean Rouch était aussi un grand conteur.

Il filme et met en scène les pratiques rituelles et culturelles de l’Afrique de l’Ouest, comme dans La chasse au lion à l’arc, tourné en 1957 et achevé en 1965, comme aussi dans les courts métrages proposés, Mammy Water de 1953 qui raconte comment les pêcheurs du golfe de Guinée s’attiraient les faveurs des génies des eaux, et Les Maîtres fous qui montre comment des africains venus de la brousse du Niger se représentaient la société occidentale et trouvaient un moyen pour supporter la domination coloniale. Ces films sont tournés avec ce que Jean Rouch appelait “une caméra participante” : « au lieu d’utiliser le zoom, le cameraman réalisateur pénètre réellement dans son sujet, précède ou suit le danseur, le prêtre, l’artisan. »

Jean Rouch va tourner plusieurs longs métrages de fiction avec Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia, acteurs non professionnels qui deviendront ses complices dans l’écriture et l’improvisation de films qui sont des fables cinématographiques tout autant que des films ethnologiques.

Parmi ces longs métrages, Jaguar tourné en 1954, road-movie burlesque dans la brousse et Petit à Petit, tourné en 1968 : deux africains qui veulent réussir font de l’ethnologie à Paris pour savoir comment font les Français.

Dans Chronique d’un été, long métrage tourné en 1960 avec le sociologue Edgar Morin, Jean Rouch fait un film “sur les blancs” et inaugure le cinéma vérité en posant à des Français la question de savoir comment ils se “débrouillent avec la vie”.  « Ce film n'a pas été joué par des acteurs mais vécu par des hommes et des femmes qui ont donné des moments de leur existence à une expérience nouvelle de cinéma vérité » dit-il en voix off au début du film.

Moi, un noir, long métrage tourné en 1957 est un mélange de documentaire, de cinéma vérité et de pure fiction. Oumarou Ganda qui deviendra cinéaste y joue son propre rôle d’immigré nigérien en Côte d’Ivoire aux côtés de trois amis, déracinés comme lui. Un film qui montre la dure réalité de la colonisation tout en faisant place à la poésie, à l’humour et à la philosophie de la vie des protagonistes.

La punition, moyen métrage tourné en 1962, est un essai de cinéma-vérité dans lequel une jeune parisienne mise à la porte de son lycée a une journée de liberté. Elle va rencontrer trois inconnus sous l'œil de la caméra. Marqué par le surréalisme, Jean Rouch aimait laisser entrer le hasard dans ses films.

La pyramide humaine, long métrage de fiction, tourné en 1959 au lycée d’Abidjan, raconte la cohabitation entre Ivoirien et Français dans un lycée. Film sensible et optimiste dans lequel Jean Rouch conclut : « Qu’importe l’histoire plausible ou décalquée, qu’importe la caméra ou le micro, qu’importe le réalisateur, qu’importe si pendant ces semaines un film est né ou si ce film n’existe pas. Ce qui s’est passé autour de la caméra est beaucoup plus important, car il s’est passé quelque chose. A travers ces classes de carton, ces amours poétiques et enfantines, ces simulacres de catastrophes, dix garçons et filles, dix Africains et Européens, ont appris à s’aimer, à se fâcher, à se réconcilier, à se connaître. Ce que plusieurs années de classes communes n’ont pas réussi à faire, un simple film dans son improvisation journalière l’a réussi. »

On ne peut mieux résumer ce que Jean Rouch attendait de la pratique du cinéma.

22 janvier

Chronique d’un été

Moi, un noir

28 janvier

La chasse au lion à l’arc

Jaguar

Petit à Petit

29 janvier

Jaguar

Petit à petit

La chasse au lion à l’arc

4 février

La pyramide humaine

La punition

5 février

La pyramide humaine

Revenir