Jean-Pierre Jeunet versus Guillermo Del Toro : qui plagie qui ?

Jean-Pierre Jeunet a récemment accusé Guillermo Del Toro et son film The Shape of Water d'avoir plagié Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, qui lui-même à sa sortie avait été accusé de plagiat. Explications, vidéos à l'appui.

Interrogé dans Ouest France sur les ressemblances entre ses longs-métrages et l'Oscar du meilleur film, Jean-Pierre Jeunet ne cache pas un petit agacement : « effectivement il y a un petit côté au début avec le peintre, l’appartement, la jeune fille un peu candide… ». Mais il ajoute : « Quand il pique la scène du couple assis au bord du lit qui danse avec les pieds, avec la comédie musicale en arrière-plan à la télé, c’est tellement copié-collé de Delicatessen […]. » 

D'autres ont également accusé Guillermo Del Toro de plagiat : une vidéo rassemble d'ailleurs ses “emprunts”. Le réalisateur a finalement répondu à Jean-Pierre Jeunet qu’il n’a rien pris aux autres, affirmant notamment : « c’est Terry Gilliam qui nous a tous influencés ». 

 

Jean-Pierre Jeunet n’a pas l’intention d’attaquer Del Toro en justice et reconnait que la scène de la salle de bain dans Delicatessen « était déjà dans un vieux Laurel et Hardy. Je ne l’ai réalisé que des années plus tard en le voyant. » Jean-Pierre Jeunet a sans doute la mémoire courte puisqu'il avait lui-même été accusé de plagiat lors de la sortie du Fabuleux destin d'Amélie Poulain.

Amélie, plagiat d'un court-métrage ?

Tout commence dans les années 80 avec Michel Folco, écrivain, photographe et collectionneur compulsif, qui collecte les photos déchirées et abandonnées dans et autour des Photomaton. Il les colle dans un album publié par la suite. Au début des années 90, il le montre à Jean-Pierre Jeunet.

En 1993, Sébastien Nuzzo, auteur de théâtre, acteur et metteur en scène, réalise son premier court métrage Lucille et le photomaton, sélectionné dans plusieurs festivals et diffusé sur plusieurs chaînes de télévision. 

En 2001, il voit en salle Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Il estime que trop d’éléments rappellent son film pour que ce soit un hasard : l’héroïne naïve et décalée, la recherche d’un inconnu qui abandonne ses portraits tirés dans les cabines de Photomaton et qui se révèle en être le réparateur, l’histoire racontée en voix off, les regards et les répliques de l’héroïne face caméra. Son courrier à Jean-Pierre Jeunet reste sans réponse. En 2003, il perd le procès qu’il lui intente pour plagiat.

En 2009, il accuse à nouveau Jean-Pierre Jeunet d’avoir également plagié cette fois un court métrage de 1998, Agathe Tricote, de Catherine Lecoq : une jeune femme, pour réveiller la vie d’une vieille dame, fait “voyager” un nain de jardin en lui faisant parvenir des cartes postales prétendument envoyées du monde entier par la statuette disparue – ce qui rappelle bien sûr les “Polaroid” du nain de jardin de son père qu’Amélie lui fait parvenir.

Tous cela nous incline à penser que si l’art est en éternel évolution, il est aussi fait d’héritages, de réminiscences, d’influences, de variations sur un thème. Claude Debussy n’aurait pu exister sans la musique russe, les airs folkloriques, les musiques orientales et le jazz. Picasso reprenant Velasquez, Delacroix, Goya ou Courbet n’a jamais été accusé de plagiat. Le 7e art est peut-être trop jeune pour assumer son histoire.

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